Préambule

Le dirigeable le « Lebaudy » militarisé  1905 et 1908-1909  

Le dirigeable le « Patrie »  1906 - 1907  

Le dirigeable « République » 1908–1909  

Le dirigeable le « Liberté » et les derniers dirigeables à Chalais  1910 - 1914  

   

 

- Le dirigeable « République » 1908–1909

Le dirigeable « République », successeur du « Patrie » reproduisait ce dernier à quelques améliorations de détail près.

Il a tenu les airs un peu plus d'un an depuis sa réception à Moisson en juillet 1908 jusqu'à sa fin tragique à l'issue des Grandes Manoeuvres de septembre 1909.

Son histoire présente trois campagnes de gonflement

- La campagne d'été 1908, comportant les essais à Moisson et la livraison à Chalais en juillet, puis la manoeuvre du ballon à Chalais en août et septembre,

- La campagne d'été 1909 à Chalais de juin à août, avec ascensions d'instruction et épreuves d'endurance,

La campagne d'automne 1909, en septembre, avec participation du dirigeable aux Grandes Manoeuvres du Bourbonnais, campagne marquée par les incidents du voyage d'aller à La Palisse (3 septembre) et la catastrophe du retour (25 septembre).  

Le « République » sortant pour la première fois du hangar où il a été construit.

I - Première campagne du « République » en 1908.

Commencée au parc Lebaudy à Moisson, la campagne était bientôt continuée à Chalais avec ascensions d'instruction ou d'endurance conduites essentiellement dans le but de dresser des équipages et de déterminer les conditions de l'utilisation des dirigeables à des fins militaires.

Parmi une douzaine d'ascensions généralement sans histoire, on citera seulement les ascensions du 31 juillet et du 5 septembre.

1° Ascension du 31 juillet de Moisson à Chalais.

Piloté par le Capitaine Bois et le Lieutenant Lenoir, avec le Capitaine Marchal et les sous-officiers mécaniciens Vincenot et Reau, le dirigeable entreprend de gagner Chalais où il est attendu et doit être chaleureusement accueilli.

Voyage sans incident.

Le parcours de Moisson à Chalais par Mantes et Versailles d'environ 65 km est effectué en 1h.22, un peu plus vite que deux ans auparavant avec « Patrie ».

2° Ascension du 5 septembre sur Compiègne.

Le dirigeable faisait sa première grande sortie de plus de six heures.  Étaient en nacelle le Commandant Voyer, le Capitaine Bois et l'Adjudant mécanicien Vincenot.

Le dirigeable évoluait d'abord au-dessus de Paris traversé de part en part puis,  par Senlis et Pont-Sainte-Maxence, se dirigeait sur Compiègne où il évoluait à 650 m. avant de rentrer à Chalais.

Contrarié par un vent assez fort à l'aller, le ballon rentrait à vive allure ; les 200 km du parcours total étaient effectués en 6h.34.

Après ce parcours record, « République » était dégonflé pour laisser la place au  «Lebaudy».

II - Campagne d'été du « République » en 1909.

Après deux campagnes d'instruction du « Lebaudy » à Chalais, en octobre-novembre 1908 et avril-mai 1909, et avant de participer aux Grandes Manoeuvres du Bourbonnais, « République » était mis en état et regonflé pour une nouvelle campagne à Chalais en juin-juillet-août 1909.

Il s'agissait de poursuivre l'instruction des équipages et de reconnaître les possibilités de manoeuvre au point de vue militaire.

Au cours de cette campagne d'été 1909, du 20 juin au 14 août, « République » a effectué encore une douzaine de sorties dont huit, d'une durée totale de 20h.12, où il était piloté par le Capitaine Bois.

Aucun incident n'a marqué ces ascensions réussies.  Nous nous bornerons à signaler:

- l'ascension du 14 juillet, où le ballon a participé, dans les airs, à la revue de Longchamp,

- les ascensions d'une durée notable

le 3 juillet, à Saint-Leu-Taverny (2 h. 17), le 20 juillet, à Pontoise et Méru (3 h. 20), le 21 juillet, à Rambouillet (3 h. 16).

Mais nous nous étendrons un peu plus sur l'ascension du 4 août.

On a profité de circonstances atmosphériques relativement favorables pour effectuer - sans d'ailleurs concourir pour le prix le parcours fixé pour le prix Deutsch de la Meurthe (circuit SaintGermain, Senlis, Meaux et Melun).

Le ballon était piloté par le Capitaine Bois avec, à bord, le Capitaine Fleuri et l'Adjudant mécanicien Réau.

Départ de Chalais à 6 h. 45, retour à 13 h. 58.  Durée de l'ascension (manoeuvres de départ et d'atterrissage comprises) 7 h.13.

Itinéraire : Saint-Germain, Enghien, Senlis, Ermenonville, Meaux, Marles, Guignes, Melun, Corbeil et Juvisy-aviation.  Distance parcourue 210 km.

La vitesse moyenne générale est de 30 km à l'heure; seulement, de 19 km entre Chalais et Saint-Germain, elle atteint 47 km entre Meaux et Melun.

Après une navigation à faible hauteur jusqu'à Senlis, s'élevant progressivement entre Senlis et Melun, l'altitude du ballon est portée volontairement au-dessus de 1.000 m. entre Melun et Corbeil, pour atteindre le maximum de 1.100 m.

« République » n'avait pas concouru pour le prix Deutsch, mais l'Aéro-Club de France attribuait à son pilote la médaille de vermeil : « Aéronats - Capitaine Bois - 4 août 1909 - Plus grande durée en 1909 - 7h.13 ».

 

III - Le «République» aux Grandes Manoeuvres de 1909 ; les incidents de l'aller, le succès des manoeuvres et la catastrophe du retour.

Le dirigeable « République » devait participer aux Grandes Manoeuvres du Bourbonnais en septembre 1909.

A cet effet, le parc mobile de dirigeable, avec son grand hangar démontable à charpente métallique et couverture de toile, était installé à Lapalisse (Rozières).

Deux équipages militaires étaient affectés au ballon, comprenant : Capitaine Marchal et Capitaine Bois pilotes, Lieutenants Renaux et Chauré aide-pilotes, Adjudants Vincenot et Réau mécaniciens.  Des officiers d'état-major (Commandant Breton et Capitaine Havard) prenaient part aux reconnaissances.

Regonflé à Chalais, « République » faisait d'abord deux sorties d'essai, les 30 et 31 août, et était équipé pour un voyage de dix heures (distance de Chalais à Lapalisse : 330 km).

Le départ de Chalais pour Lapalisse est donné le 3 septembre par un temps jugé favorable.  Sont à bord, le Capitaine Bois, le Lieutenant Renaux et les Adjudants Vincenot et Réau.

Parti à 7h.10 et naviguant sans encombre, le dirigeable, par Essonne, Fontainebleau, Nemours et Souppes, atteignait Montargis (103 km) au bout de trois heures.

Peu après, le câble de commande des ailerons ayant sauté brusquement d'une de ses poulies de renvoi, il fallait atterrir pour remettre la commande en ordre ; l'atterrissage se fait dans de très bonnes conditions près de Saint-Hiloire-sur-Puiseaux.

Escale de 10h.52 à 12h.17 dont on profite pour vérifier les organes accessibles.

Dans la deuxième étape du voyage, le vent devient assez fort et irrégulier surtout au débouché des vallées aboutissant à la Loire.  De violents remous, de brusques changements de direction aux différentes hauteurs compliquent singulièrement le maintien de la direction et de l'altitude.

A 14 h. 56, après avoir survolé Briare et Cosne, le ballon arrive néanmoins sur La Charité-sur-Loire (208 km).

A ce moment, un arrêt se produit subitement dans la circulation d'eau, l'eau bouillante gicle de divers côtés, il faut arrêter immédiatement le moteur.

Le ballon en dérive traverse la Loire et survole la forêt qui la borde.  Il fait des bonds successifs de 300 à 1.300 mètres, puis de 800 à 1.400 mètres qui rendent très difficile le maintien d'une > pression suffisante dans le ballonnet.  A la lisière de la forêt, le guide-rope puis le serpent sont largués, la pyramide de la nacelle heurte le sol.  Après un court traînage, la suspension s'engage dans un petit arbre qui arrête complètement le ballon.  

La nacelle du « République »>

A 15 h. 13, le ballon se trouve immobilisé près de Jussy-le-Chaudrier (Cher).

Dans la première partie de l'ascension, « République » avait parcouru 1 15 km en 3 h. 42 et atteint 400 m. Dans la deuxième partie, il avait parcouru, en marche normale, 94 km en 2h.41, atteignant 700 m. et, en dérive, environ 10 km en 22 minutes, dépassant 1.400 m.>

Les détériorations du ballon étaient reconnues peu importantes; les secours étaient demandés et les dispositions d'abord prises en vue de sa remise en état sur place.  Mais, peu après, l'arrêt de la commande à bras du ventilateur empêchait de maintenir la pression dans le ballonnet.  Vers 16h.15, la flèche de l'arrière de la plate-forme se brisait et le ballon perdait toute rigidité.  La réparation au campement du ballon déformé était devenue impossible.

Il fallait éviter une fin dans le genre de celle de "Patrie".  Toutes dispositions furent donc prises pour dégonfler avec les moindres dégâts et, à la tombée de la nuit, le Capitaine Bois faisait tirer la corde de déchirure.  Une demi-heure plus tard, le dégonflement était terminé et le matériel sauvé.

Il fut bientôt reconnu que le dirigeable pouvait être rapidement réparé et, malgré son accident, encore participer aux Grandes Manoeuvres.

Le dégonflement du « République » dans les champs après son atterrissage accidentel à Jussy-le-Chaudrier a causé partout une certaine émotion et la presse s'emparait de l'évènement.  C'était une réelle déception à Lapalisse où l'équipage devait être accueilli solennellement par la municipalité avec musique et fleurs.

Cependant, les aérostiers ne restaient pas inactifs.  Tout le matériel était replié dès le 4 septembre et les réparations entreprises le 6 à Chalais pour l'enveloppe et à Lapalisse pour la mécanique et les carcasses métalliques.

Vivement remis en état, regonflé et arrimé sous le hangar démontable du port d'attache temporaire de Rozières à Lapalisse, le ballon était prêt à reprendre les airs à la date fixée du 12 septembre.

En principe, au cours des Grandes Manoeuvres, le dirigeable devait être monté alternativement par les deux équipages qui lui avaient été affectés.

Dès le 13 septembre, « République » effectuait trois sorties:

- une première et courte sortie d'essai avec le Commandant Bouttieaux, le Capitaine Marchal et le Capitaine Bois.

- une autre le matin ; Capitaine Marchal, Lieutenant Chauré, parcours de trois quarts d'heure aux environs immédiats de Lapalisse;>

- une troisième l'après-midi ; Capitaine Bois, Lieutenant Tixier, reconnaissance d'une heure et demie dans le secteur N.-O. de Lapalisse.

Du 14 au 18 septembre, « République » prend part effectivement aux opérations des Grandes Manoeuvres et effectue cinq ascensions de reconnaissance.

Dans les grandes ascensions des 15, 16 et 17 septembre, le ballon est mis à la disposition de l'un ou l’ autre parti et les renseignements recueillis par les officiers d'E.-M. observateurs sont transmis sur le champ aux Corps d'armée en présence.

On donne ci-après quelques indications sur ces ascensions de reconnaissance :

- Ascension du 14 septembre. - A bord : Capitaine Marchal, Lieutenant Chauré, pilotes ; Capitaine Havard, observateur ; reconnaissance dans le secteur Nord de Lapalisse (Varennes-sur-Allier).

- Ascension de reconnaissance du 15 septembre, pour le 14e Corps. - A bord : Capitaine Bois, Lieutenant Renaux, pilotes ; Commandant Breton, observateur ; reconnaissance dans le secteur S.-E. de Lapalisse vers Roanne, par Saint-Prix où le ballon se met en liaison avec le 14e C.A. Parcours 80 km, durée 2 h. 30, hauteur 700 mètres.

Ascension de reconnaissance du 16 septembre pour le 13e Corps. - A bord : Capitaine Marchal, Lieutenant Chauré, pilotes; Capitaine Havard, observateur; liaison avec le 13e C.A près de Barrais-Bussolles.  Parcours 100 km, durée 3 heures, hauteur 650 mètres.

- Ascension de reconnaissance du 17 septembre pour le 13e Corps. - A bord : Capitaine Bois, Lieutenant Tixier, pilotes Commandant Breton, observateur ; reconnaissance dans le secteur E. de Lapalisse et au Donjon ; liaison avec le 13e C.A., hauteur 900 à 1.000 mètres.

-Ascension du 18 septembre. -A bord : Capitaine Marchal, Lieutenant Chauré, pilotes ; Capitaine Havard, observateur ; à l'occasion de la fin des manoeuvres, évolutions près et autour de Lapalisse sur les troupes en contact.

Toutes ces ascensions ont été très réussies et le succès des trois grandes ascensions de reconnaissance des 15, 16 et 17 septembre, d'une durée moyenne de trois heures effectuées à environ 1.000 mètres d'altitude, ont donné la meilleure impression sur les possibilités de l'emploi des dirigeables aux armées.  

Le Capitaine Marchal, le Lieutenant Chauré, les Adjudants Vincenot et Réau avant leur dernier départ>

A l'issue des Grandes Manoeuvres, il était décidé de ramener, si les circonstances s'y prêtaient, « République » de Lapalisse à Chalais par voie aérienne.

Le tour de service conduisait à constituer l'équipage du ballon pour le retour avec le Capitaine Marchal et le Lieutenant Chauré comme pilotes, les Adjudants Vincenot et Réau comme mécaniciens.

Au matin du 25 septembre, les circonstances paraissant favorables, le Capitaine Marchal donnait le signal du départ.

L'accident du « République » s'est produit vers 8 h. 35, un peu plus d'une heure après le départ de Lapalisse, près de l'entrée du château d'Avrilly, à 8 km au nord de Moulins.

En quelques secondes, un objet noir se détachait de la nacelle, une forte détonation était entendue et le ballon se dégonflait subitement et tombait tandis que la nacelle s'écrasait sur le sol.

Les quatre malheureux aéronautes : Capitaine Marchal, Lieutenant Chauré, Adjudants Vincenot et Reau étaient tués sur le coup.

Participant à l'enquête, confiée au Général Roques, d'après les témoignages recueillis auprès des témoins de l'occident (notamment du Lieutenant Tixier) et les constatations faites sur les débris du dirigeable ramenés à Moulins, le Capitaine Bois a pu reconstituer les éléments du drame qui paraît avoir comporté les quatre phases suivantes : rupture spontanée d'un manche d'hélice, projection de la pole contre la partie centrale du ballon, éclatement de la partie avant de l'enveloppe, dégonflement presque instantané du ballon, chute rapide et écrasement de la nacelle sur le sol.

La rupture spontanée du manche d'une hélice tournant à grande vitesse, dont la structure moléculaire s'était trouvée modifiée sous l'influence de vibrations répétées, est explicable et certaine.  Une rupture d'hélice analogue s'était déjà produite sur le "Lebaudy" au cours d'une ascension près de Chalais en 1908, mais sans fâcheuse conséquence.

Quant à l'« éclatement » de l'enveloppe du ballon déséquilibré qui s'est produit dans la région de la pointe avant à la suite du choc et de la déchirure provoqués sur l'enveloppe par la pale d'hélice la frappant de côté dans sa partie centrale, cela constituait un fait imprévisible.

Le naufrage du dirigeable « République » et ses tragiques conséquences ont eu un énorme retentissement.

La perte du Capitaine Marchal, du Lieutenant Chauré, des Adjudants Vincenot et Reau ne pouvait être que peu allégée par les honneurs rendus à l'occasion des funérailles solennelles à Versailles,> en présence des plus hauts représentants du Gouvernement et du Commandement.

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